Pour comprendre la portée d’un contrat de séparation de biens, qui doit être passé devant un notaire, il faut d’abord rappeler les principes du régime matrimonial ordinaire de la participation aux acquêts.
Les biens du mari et ceux de la femme demeurent séparés pendant le mariage. Chacun des époux administre seul ses biens, en joui et peut en disposer librement. La loi pose toutefois quelques limites à ce principe. En particulier, les époux se doivent assistance et doivent contribuer à l’entretien de la famille. En outre, l’époux propriétaire du logement familial ne peut pas le vendre sans le consentement de son conjoint.
Chaque époux répond de ses dettes sur tous ses biens, mais sur ses seuls biens. Ainsi, le régime ordinaire protège chaque époux des dettes de son conjoint envers les tiers. Fabienne ne risque pas de voir ses biens saisis pour des dettes de Walter.
Les principes exposés ci-dessus à propos de la participation aux acquêts valent également pour la séparation de biens. Pendant le mariage, les effets des deux régimes sont identiques. La seule exception a trait à la vente des biens appartenant en copropriété aux deux époux. En cas de participation aux acquêts, aucun d’eux ne peut vendre sa part sans le consentement de l’autre, alors que la séparation de biens confère une liberté de disposer à chacun d’eux.
C’est au moment de la liquidation du régime, soit généralement lors du décès ou du divorce, qu’apparaissent les particularités de la séparation de biens. La participation aux acquêts prévoit que chaque époux reprend ses biens propres, soit ses effets personnels, les biens qu’il possédait au début du mariage ou qu’il a reçus à titre gratuit pendant celui-ci (donation, héritage, avancement d’hoirie, …). Chaque époux a en outre droit à la moitié des acquêts de l’autre, qui comprennent les biens acquis par le travail pendant le mariage. La loi appelle cela le partage du bénéfice. Notons qu’au cas où un des époux est endetté, son conjoint ne participe pas à cette perte. En cas de séparation de biens, il n’y a pas de partage du bénéfice. C’est la particularité essentielle de ce régime matrimonial. Chaque époux reprend ses biens.
Un exemple illustre la différence. Supposons qu’au moment de la dissolution du mariage, Fabienne possède un carnet d’épargne de Fr. 15’000.-, qu’elle avait épargnés avant le mariage. N’ayant pas exercé d’activité lucrative pendant celui-ci, elle n’a pas eu l’occasion d’augmenter son épargne. Walter a hérité de Fr. 10’000.- et a économisé pendant le mariage sur son revenu Fr. 80’000.-.
En cas de participation aux acquêts, Fabienne conservera son carnet de Fr. 15’000.-,qui est un bien propre, et recevra la moitié du bénéfice de Walter, soit Fr. 40’000.-. Sa part est donc de Fr. 55’000.-. Quant à Walter, il aura droit aux Fr. 10’000.- hérités, qui constituent un bien propre, et à la moitié de son bénéfice, Fr. 40’000.-, soit au total Fr.50’000.-.
En cas de séparation de biens, Fabienne aura droit en tout et pour tout à son carnet d’épargne de Fr. 15’000.-, alors que Walter gardera les Fr. 10’000.- hérités et les Fr. 80’000.- épargnés, soit Fr. 90’000.-.
Fabienne remarquera que la séparation de biens représente un risque pour l’époux qui n’exerce pas d’activité lucrative, et n’a donc pas la possibilité d’épargner, ou qui a un revenu nettement inférieur à son conjoint. Il incombe donc aux époux de compenser ce désavantage en prévoyant par exemple que celui qui a un revenu verse régulièrement une contribution équitable à son conjoint.
Grégoire Piller
Paru dans La Liberté